
Bonjour à vous chères lectrices, ici Jérémy Bigot pour un nouvel article du blog de la femme aux escarpins roses.
Aujourd’hui, j’avais envie de vous raconter notre soirée de fiançailles. Parce que oui, Samantha a tenu à en organiser une en bonne et due forme. Sa sœur, Louisa, n’y est pas pour rien, si vous voulez mon avis. Mais bref…
Malheureusement pour elles et heureusement pour moi, la soirée ne s’est pas vraiment déroulée comme on l’avait prévu.
« Je resserre mon nœud papillon, planté devant le miroir en pied qui trône dans un coin de la chambre d’adolescente de ma future femme, en me demandant encore pourquoi j’ai accepté d’en porter un ce soir. Ce n’est qu’une soirée, pas le mariage que je sache ! Mais comme je ne résiste pas à ma femme et à ses escarpins roses, j’ai cédé.
Tout comme j’ai cédé pour cette soirée. Pour célébrer nos fiançailles, je voulais juste réunir nos deux familles proches et faire un dîner. Mais Sam a tenu à faire les choses en grandes pompes. Et moi, j’ai promis de tout faire pour la rendre heureuse.
Je souris en regardant les photos vieillies de chaussures accrochées avec un morceau de ruban adhésif sur les bords du miroir. Pas de doute, je suis bien dans la chambre de la femme qui m’a inspiré mon roman « La femme aux escarpins roses ».
Après l’avoir lu, mon éditrice, Agnès, m’a assuré que ce serait un best-seller et c’est loin d’être son genre de dire des choses pareilles. Elle est toujours si réservée sur le succès potentiel d’un livre. Autant vous dire que j’ai été plus que soulagé de sa réaction car cela signifiait que je conserve mon emploi et mon contrat chez les Éditions Mousset.
Le côté moins sympa, c’est qu’après avoir fini les dernières corrections, et à la vitesse où j’avance ça ne devrait pas tarder, je vais devoir écrire un nouveau roman. Et il faudrait être fou pour envisager écrire un second roman qui plaise autant à Agnès que la femme aux escarpins. Donc, je tente de me concentrer sur la sortie de ce roman et sur mon mariage à venir, pour éviter de penser à l’après. Quand je vais devoir trouver une nouvelle idée géniale. Moi qui pensais que j’avais débloqué mon processus d’écriture avec cette histoire, je ne suis plus sûr de rien.
La porte de la chambre s’ouvre et me tire de mes pensées. Ma fiancée entre et mes idées noires s’évanouissent aussitôt. Elle s’avance vers moi, pieds nus, ce qui est assez rare pour que je le remarque immédiatement. Ma femme et ses chaussures, c’est toute une histoire. Il y aurait assez à dire pour en écrire une saga de dix tomes.
— Où as-tu semé tes chaussures ? je demande pour la taquiner.
Elle m’embrasse doucement et soudainement mon corps se réveille. Surtout qu’elle est vraiment splendide dans sa robe rose pâle fluide, décolletée dans le dos. Sa sœur a bouclé ses longs cheveux d’ordinaire si raides, et de magnifiques boucles cascadent sur ses épaules. S’il n’y avait pas une cinquantaine d’invités à dîner ce soir, je crois que je pourrais lui faire l’amour sur le champ sur son lit d’adolescente.
Je cligne plusieurs fois des paupières pour chasser mes idées grivoises. Ma future femme grimace.
— Je n’aurai pas dû choisir cette robe pour ce soir, dit-elle en tirant sur le tissu aussi doux qu’il est léger.
— Pourquoi cela ?
— Je ne peux pas porter mes escarpins roses. Ce sont deux teintes de roses différents, ça n’ira pas.
Je ne peux m’empêcher de sourire devant sa propension à toujours assortir ses chaussures avec tout le reste : robes, sacs à main, boucles d’oreilles, rouge à lèvres…
— Ma chérie, je suis sûr que tu dois avoir des centaines de chaussures qui iront parfaitement avec cette robe.
Je m’approche pour passer mes bras autour d’elle et l’attirer contre moi.
— Robe qui te va délicieusement bien, je dois dire. Tu es magnifique.
Une légère coloration marque ses joues alors qu’elle se laisse aller dans mes bras.
Avec dix centimètres de moins à ses pieds, elle me semble soudain minuscule.
— Merci, répond-elle en passant ses mains dans mon dos pour soulever ma chemise et trouver ma peau nue. Tu n’es pas mal non plus. Le smoking te va bien.
Je frissonne alors qu’il fait agréablement chaud dans cette chambre. Nous sommes fin janvier et les températures glaciales du mois de décembre ne nous ont pas quittés.
Nous nous embrassons quelques minutes, profitant du calme avant la tempête. Mais le téléphone portable de ma fiancée sonne et nous tire de ce moment de paix.
Samantha s’écarte doucement et pose son front contre le mien. Elle aussi à chaud on dirait.
Je soupire.
— Je dois répondre, murmure-t-elle contre ma bouche. Ce doit être Louisa ou un invité.
— Je sais, je réponds en l’embrassant furtivement. Décroche.
Sam récupère son téléphone sur sa table de chevet et me montre l’écran qui clignote. J’y lis le prénom de sa sœur et retourne à mon nœud papillon, ces deux-là en ont pour un moment.
Je sais que Sam est très proche de sa sœur et je crois qu’elles se sont encore rapprochées l’une de l’autre depuis que Louisa a accouché. Samantha est complètement gaga du petit Léo. C’est bien simple lorsque nous sommes tous dans la même pièce, je n’existe plus pour elle. Je me demande ce que ça donnera lorsque ce sera notre bébé.
Samantha ne parle que très peu de cette fausse grossesse et je crains qu’elle n’en souffre plus qu’elle ne veut bien le dire. Je ne remets pas le sujet sur le tapis, je préfère lui laisser un peu de temps. Après tout, même si nous avons la sensation de nous connaître depuis bien plus longtemps, nous ne nous sommes rencontrés que le mois dernier.
— Oh ! lâche Samantha en se précipitant vers la fenêtre de sa chambre.
Il fait si sombre aujourd’hui que nous avons dû allumer la lumière. Vivement que le printemps revienne, je ne suis pas un grand fan de l’hiver.
— Non ! Non, non, non.
Je me tourne vers Sam, mais elle a le nez collé à la vitre m’empêchant de voir ce qui la fait autant réagir dehors. Je m’avance vers elle et elle se rappelle soudainement ma présence.
Les yeux grands ouverts, elle me regarde comme si elle était sur le point de faire une crise de panique.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? je demande même si elle a toujours le téléphone collé à l’oreille.
Elle secoue la tête et se met à faire les cent pas dans la chambre.
— Sam ? j’insiste.
Elle se fige et s’exclame :
— Il neige !
Je marche jusqu’à la fenêtre pour m’en rendre compte de mes propres yeux. C’est vrai, il neige. Quelques flocons dégringolent lentement du ciel et parsèment le jardin d’un voile blanc. C’est plutôt romantique. Ça donnera une ambiance hivernale à notre soirée de fiançailles.
— C’est joli, je trouve.
Quand je me tourne à nouveau vers elle, elle me fixe bouche bée.
— Joli, s’écrie-t-elle alors. Joli ? C’est tout ce que tu trouves à dire ? Il neige le soir de nos fiançailles et toi tu te contentes de dire « joli » !
Je recule d’un pas surpris par sa réaction. Je ne l’ai jamais vu dans un état de nerf aussi avancé. Je me dis que c’est une bonne chose, ça me prépare pour les jours qui précèderont le mariage.
Je croise les bras sur ma poitrine pour lui montrer que je ne vais pas me laisser démonter par sa réaction légèrement excessive.
— Sam, je dis simplement d’une voix calme pour qu’elle m’explique enfin où est le problème.
Elle se laisse tomber sur le lit et souffle.
— Louisa, je te rappelle, OK ? Oui tout de suite.
Elle raccroche et jette son portable sur le couvre-lit mauve.
— La météo vient d’annonce une tempête Jérémy. Une tempête de neige arrive droit sur nous.
Je m’approche et m’assieds à ses côtés.
— OK… Mais ça vous arrive régulièrement ici, non ?
— Tu ne comprends pas. Les routes vont fermer et nos invités…
— Ne pourront pas venir jusqu’ici, je termine en comprenant mieux son attitude.
Je marque une pause alors que mon cerveau s’agite dans tous les sens.
— Qu’est-ce qu’on peut faire alors ?
Sam s’allonge et ouvre les bras en croix. Je lui fais face.
— Louisa s’occupe d’appeler tout le monde pour annuler.
— Mais et pour ceux qui sont déjà en chemin ? je m’inquiète.
— Ils vont devoir s’arrêter et prendre une chambre d’hôtel quelque part. Foutue météo !
Je viens près d’elle pour la serrer dans mes bras.
— Je suis désolée ma chérie. On pourra reprogrammer la soirée un peu plus tard. Au printemps, peut-être ? Ça évitera ce genre de déconvenue.
Elle acquiesce mais je vois bien que l’enthousiasme a disparu. Sa soirée de fiançailles est gâchée et je ne peux rien faire pour elle. Je me sens impuissant. J’aurai aimé avoir le pouvoir de faire fuir la neige rien que pour ce soir. Cette soirée lui tenait tellement à cœur.
Nous restons là l’un contre l’autre en silence de longues minutes. Nous ne sommes plus pressés maintenant.
— Tu sais ce qu’on pourrait faire là tout de suite pour te remonter le moral ? je murmure en embrassant sa nuque.
Je me redresse pour la regarder dans les yeux. Elle se force à sourire et je m’en veux de ne pas trouver une solution pour lui offrir cette fête.
Je pose mes lèvres sur les siennes.
— Tu sais ce qu’on pourrait faire ? je lance comme ça.
— Quoi ?
— On fait cette fête quand même. Après tout, le buffet a déjà été livré et tes parents sont en bas, ta sœur à deux pas et ma sœur et mes parents sont à L’Auberge fleurie. On fait ça en petit comité, juste nous.
Ma fiancée se relève sur un coude en secouant la tête.
— Tu oublie que la salle de réception se trouve à 30 km d’ici avec le buffet. Je refuse de prendre le risque de rester coincée là-bas toute la nuit.
Je marque une pause, réfléchissant à un moyen de régler ce problème, et l’évidence me saute aux yeux.
— On n’a qu’à faire ça à l’auberge ! Je suis certain que Violette peut nous faire un petit plat en un rien de temps. Et puis on peut l’aider. Un dîner, tes parents, les miens, ta sœur, la mienne et nous. Je suis certain qu’on peut passer un super moment tous ensemble à l’auberge.
— Je refuse de demander ça à Violette à la dernière minute, répond-elle en secouant la tête.
Mais je remarque aussitôt la lueur qui s’est allumée dans ses yeux, une lueur d’espoir, alors je ne m’avoue pas vaincu.
— Je suis certain qu’elle serait ravie de faire ça pour toi.
À cet instant, son téléphone portable sonne et je me précipite pour répondre à sa place.
— Allô Louisa ? Oui, c’est moi. Écoute, j’ai eu une idée.
Sam se précipite pour m’arracher le téléphone des mains, mais je suis plus rapide.
— Que penses-tu de faire la soirée de fiançailles à L’Auberge Fleurie juste entre nous ? Mes parents sont déjà là-bas de toute façon.
— Jérémy non ! s’exclame ma future femme en tendant les bras vers son précieux téléphone.
Je la repousse et continue :
— On pourrait demander à Violette de nous préparer un petit dîner et hop ! On a notre soirée de fiançailles. Je suis même prêt à donner un coup de main en cuisine.
Samantha croise les bras et fronce les sourcils en me regardant faire les cent pas dans la chambre. C’est presque moi qui suis nerveux maintenant.
Le silence de Louisa me fait douter. Moi qui espérais faire plaisir à mon amoureuse déçue.
— C’est une super idée ! s’écrie alors ma future belle-sœur, si fort que je dois éloigner le combiné de mon oreille. Je m’occupe d’appeler Violette, toi préviens mes parents et les tiens que la petite fête est maintenue.
Heureux, je baisse ma garde et Sam se jette sur moi.
— Allô ? Louisa n’écoute pas ce qu’il dit, je ne…
La femme aux pieds nus se tait et écoute sa sœur, les yeux rivés sur moi.
— Louisa, je… Bon d’accord. Oui, OK, comme tu veux.
Et elle raccroche.
— Elle dit qu’elle a prévenu tout le monde et que tout ira bien.
Je croise les bras à mon tour, un sourire de triomphe étirant mes lèvres.
— Et ?
— Et elle va contacter Violette. Elle trouve que c’est une super idée.
Je m’approche pour la prendre dans mes bras.
— Écoute Sam, je sais que ce n’est pas la soirée que tu espérais, mais c’est mieux que rien, non ? Et puis on sera avec nos familles proches.
Elle pose sa tête sur mon torse et je la serre plus fort.
— Si j’avais un moyen de faire cesser la neige, je le ferais crois-moi.
— Je sais, dit-elle en relevant la tête. Tu as raison, le principal c’est qu’on soit ensemble avec nos familles proches. Une chance que tes parents et ta sœur soient arrivés hier.
Je hoche vigoureusement la tête.
— Alors, tu es OK ? Ça te va ?
Un sourire illumine alors son visage et je sens mon estomac se détendre d’un seul coup.
— Ça sera parfait ! »
Et ça l’a été.
Violette a été plus que ravie de nous préparer un dîner et je l’ai même aidé du mieux que j’ai pu.
Nos familles ont fait connaissance et Elsa et Louisa sont devenues les meilleures amies du monde. Elles ont passées la soirée à parler bébé et à rire à gorges déployées dans un monstrueux vacarme. Je les ais observé un moment, surpris de remarquer à quel point nos deux sœurs se ressemblent.
Ma mère a vraiment apprécié les parents de Sam, difficile de faire autrement Gilles et Gislaine sont adorables.
En bref la soirée n’aura pas pu se dérouler mieux. La neige a recouvert toute la ville d’une épaisse couche blanche et nous nous sommes rendus jusqu’à l’auberge à pied pour ne pas prendre le risque de rester coincés avec la voiture. C’était vraiment romantique.
Sur le chemin du retour, la femme que j’allais épouser, celle qui avait enfilé une paire d’escarpins noir, s’est serrée contre moi pour me chuchoter à l’oreille : « Finalement, je suis heureuse qu’il a neigé, cette soirée était merveilleuse. Encore plus que tout ce que j’avais pu imaginer. Merci. »
Elle m’a embrassé tendrement et j’ai su que je serais toujours prêt à tout pour faire le bonheur de la femme aux escarpins roses.
Jérémy Bigot, votre humble serviteur.
J’adore cette histoire !
Merci beaucoup ! J’espère que les autres te plairont tout autant 😉