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Bonjour à vous chères lectrices, ici Jérémy Bigot pour un nouvel article du blog de la femme aux escarpins roses.

Aujourd’hui, je vais vous raconter les mésaventures rencontrées par Samantha lors de l’achat de sa maison. Ça n’a pas été aussi rose que ses escarpins. Ha ha ! (Humour d’auteur !)

Comme vous le savez déjà si vous avez lu le roman, la sœur de Sam, Louisa, lui avait parlé d’une maison à deux pas de la sienne qui était libre, celle de la famille Dulot ayant déménagé quelques jours avant Noël.

Samantha a donc foncé sur l’occasion.

« Je suis cloué à mon bureau depuis de longues heures lorsque mon téléphone portable sonne. Je jette un rapide coup d’œil et décide de répondre uniquement parce que le prénom de Samantha s’affiche. Je travaille activement sur les corrections de mon roman qui sont plus nombreuses que ce que j’imaginais, et je ne distingue plus le jour de la nuit.

— Allô ? Ma chérie ? Comment ça va ?

— À part que tu me manques, ça va. Je me prépare pour mon rendez-vous avec la banque et je me suis dit que j’allais d’appeler pour te permettre de faire une petite pause. Depuis combien de temps n’as-tu pas quitté ton bureau ?

Elle me connait bien.

Je souris et me lève pour me dégourdir les jambes.

— Un moment, je l’avoue. Et tu me manques aussi.

Je l’entends sourire à l’autre bout du fil. Je suis enfermé chez moi depuis près de deux semaines pour réussir à boucler ce fichu roman dans les délais impartis par mon éditrice Agnès. Même si Samantha est passée me rendre une petite visite éclair dimanche dernier, nous ne nous voyons pas beaucoup ces derniers temps.

— Tu crois que je devrais porter mes escarpins roses pour me porter chance à ce rendez-vous ?

Cette fois, c’est moi qui souris. Ma fiancée est persuadée que cette paire de chaussures lui porte vraiment chance. Que ce soit effectivement le cas ou non, le seul fait qu’elle le croit est suffisant.

— Bien sûr !

Quand elle porte ses chaussures fétiches, elle marche comme si rien ne pouvait l’arrêter. Ça ne peut donc pas lui faire de mal, au contraire.

— Tu n’es pas trop stressée ? je demande, même si je connais déjà la réponse.

Elle me parle de ce rendez-vous avec la banque pour l’obtention d’un crédit immobilier depuis des jours. Elle a tellement hâte d’emménager dans un endroit rien qu’à elle. Elle a quitté son appartement début janvier pour se rapprocher de la boutique et vit chez ses parents pour le moment.

— Si, carrément. Tu crois que je vais l’avoir ce crédit ? J’ai vraiment envie d’acheter la maison des Dulot, elle se trouve juste à côté de celle de Louisa, on pourra se voir tout le temps.

Je suis heureux que Sam se trouve au téléphone car je ne peux m’empêcher de grimacer. Ce n’est pas que je n’aime pas ma belle-sœur, non elle est vraiment adorable, mais elle est peut-être un peu trop… comment dire, envahissante. Je ne cesse de me dire que si nous vivions aussi proche de Louisa, la jeune femme débarquerait à n’importe quel moment du jour et de la nuit. Alors au fond de moi, même si je me sens un peu coupable, je ne cesse d’espérer que Samantha aura un coup de cœur pour une maison un peu plus éloignée.

Ce n’est pas gagné !

— Je suis certain que tout va bien se passer.

Et je le pense sincèrement.

— Tu es une femme formidable ! Et puis s’il y a un problème, parle au banquier de cet énorme apport qui dort dans ton placard à chaussures. Il y a presque assez pour acheter la maison !

Sam rit et je soupire, heureux de réussir à la détendre un peu.

— J’espère que tu as raison, parce que je n’en peux plus de vivre chez mes parents. J’ai l’impression d’être redevenue une ado. « À table Sam ! », « Range tes chaussures Sam ! », « Tu vas être en retard au travail Sam ! ». Je crois que ma mère est un peu trop ravie que je sois revenue à la maison. Ça m’exaspère !

Je me retiens de lui rappeler ma proposition : celle de participer à l’achat de cette maison. Après tout, nous allons y vivre tous les deux. Mais j’ignore pourquoi Sam tient à l’acheter toute seule, même si elle m’assure que ce sera notre maison. La dernière fois que j’ai tenté de lui en parler, elle a coupé court à la conversation et j’ai cru un instant notre première dispute arrivée.

— Enfin changeons de sujet, reprend-elle. Et toi, ça avance les corrections ?

Je souffle. Après un certain nombre de relectures et de corrections, je ne peux plus voir mes romans en peinture. J’en suis à ce stade.

— Doucement, mais sûrement. J’ai vraiment hâte d’avoir terminé, parce que je ne supporte plus cette histoire.

— Eh ! s’exclame-t-elle.

C’est vrai que c’est un peu notre histoire ce roman.

— Non, ça n’a rien à voir Sam. Je parle du roman. J’ai lu et relu ces lignes des dizaines de fois. J’ai juste envie de passer à une autre histoire. Et je parle du roman hein, pas de notre histoire. La notre elle durera toujours et je ne m’en lasserai jamais.

Ce que je passe sous silence, c’est que je ne suis pas vraiment pressé de passer au roman suivant parce que je n’ai toujours pas trouvé une idée qui tienne la route. Je ne désespère pas qu’elle me tombera dessus comme pour celle de la femme aux escarpins roses. Dans tous les cas, mon niveau de stress grimpe à mesure que je m’approche de la fin de ce roman.

— Je préfère cela, marmonne-t-elle. Bon mon chéri, je vais devoir te laisser, je dois partir pour la banque. Souhaite-moi bonne chance.

Son ton angoissé me serre le cœur. J’aurai aimé être auprès d’elle pour la serrer dans mes bras.

— Tu vas tout déchirer ma puce ! Tu es la meilleure ! N’oublie pas que tu es la femme aux escarpins roses, l’héroïne d’un roman, futur best-seller d’après Agnès.

— Je t’aime.

— Moi aussi je t’aime. Appelle-moi dès que tu sors du rendez-vous ! Bonne chance.

Elle raccroche et je regarde mon téléphone muet quelques instants. Bon sang ce que j’aime cette femme. Il faut vraiment que je termine les corrections de ce roman au plus vite pour la retrouver.

Lorsque les aller-retours entre Agnès et moi ont commencé, j’ai décidé de revenir à mon appartement pour travailler sur les corrections. Difficile de rester concentré à l’auberge. Et même si les parents de Sam m’avaient proposé de vivre avec leur fille chez eux, j’ai préféré rentrer. Depuis, ma femme aux escarpins roses me manque énormément. C’est aussi la raison pour laquelle, je travaille comme un forcené, nuit et jour. Pour la retrouver au plus vite.

Je me remets au travail et le temps défile sans que je ne m’en aperçoive.

Lorsque mon téléphone sonne à nouveau, je sursaute. Il ne s’est écoulé qu’une petite demi-heure, mais j’ai pourtant l’impression que ça fait cinq heures.

— Alors ? je m’exclame en décrochant.

Mais un silence me répond.

— Sam ? Tu m’entends ?

Je crains qu’elle ne capte pas très bien dans sa campagne natale, mais quand elle me répond enfin, mon cœur se serre.

— Oui, je suis là.

Je sais tout de suite que les choses se sont mal passées. Son ton est sans équivoque.

— Qu’est-ce qui s’est passé Sam ?

— Ils ont refusé mon crédit.

— Mais pourquoi ? je m’écrie

— Bah tu sais, les trucs habituels. Je viens de démissionner et même si j’ai un peu d’argent de côté, la boutique n’est pas encore au mieux de sa forme, alors il considère mon emploi instable.

Je ravale les gros mots qui me brulent la langue.

C’est vrai que depuis qu’elle a reprit la boutique de Florence, « Le Soulier doré », les chiffres ont progressés, mais pas suffisamment pour que la boutique soit sauvée.

Que dire pour lui remonter le moral ? Il n’y a pas grand-chose que je puisse faire d’ici.

— Je suis vraiment désolé ma chérie. Je suis sûr qu’on va trouver une solution, tu verras. Tout finira par s’arranger, j’en suis certain.

— Comment ? demande-t-elle d’une voix tremblante.

— Je ne sais pas. Tu peux peut-être demander à une autre banque ?

Elle souffle comme si cette idée était saugrenue.

— Laisse tomber d’accord. Pour le moment, je ne veux plus en parler. C’est fichu pour la maison des Dulot, il y avait une autre famille sur le coup.

Je réfléchis un instant, il ne m’en faut pas plus pour prendre ma décision.

— Écoute, je vais faire une pause. Ce manuscrit peut bien attendre quelques jours de plus. Je prends le premier train et j’arrive. D’accord ?

Elle hésite. Je sais que cette idée la tente autant que moi pourtant elle refuse.

— Non, ça va aller, mon chéri. Je t’assure. Tu as beaucoup de travail, prend le temps dont tu as besoin.

Mais il est hors de question que je laisse ma fiancée toute seule dans cette épreuve. Et puis, je suis écrivain après tout, je peux bien emmener mon travail avec moi.

— C’est décidé. Je prépare ma valise et j’arrive.

Et c’est comme cela que je retrouve enfin ma magnifique femme aux escarpins roses dès le lendemain pour l’heure du déjeuner.

Elle se jette dans mes bras dès qu’elle me voit et je sais que j’ai fait le bon choix.

Je la serre fort et l’embrasse pendant de longues minutes.

— Je t’aime, je chuchote à son oreille. Et je serais toujours là pour toi, tu le sais, n’est-ce pas ? Mon travail passe en second.

Elle m’embrasse en guise de réponse et nous prenons le chemin du centre-ville. Elle se gare devant le café et nous entrons main dans la main pour commander un café au caramel.

Je tends la main pour lui désigner une table libre, mais ma fiancée secoue la tête.

— On marche un peu ?

J’acquiesce et la suit dehors.

Le temps commence à se radoucir en ce début du mois de mars. Le ciel est bleu et parsemé de petites boules de nuages cotonneux, c’est un temps parfait pour une promenade, même si les températures restent un peu fraiches.

— Alors comment tu te sens ? je demande inquiet.

Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit en me demandant ce qu’elle pouvait bien faire et ressentir toute seule.

Elle hausse les épaules.

— Je suis déçue, mais ce n’est pas grave. Je n’aurais qu’à chercher un appartement ou une maison en location. Et puis, je peux bien rester chez mes parents le temps qu’il faudra.

Je retiens une grimace. Je sais que ça a été rapide entre nous, très rapide même, mais où est-ce que je me trouve dans ses plans ? Je sais aussi que pour le moment, je suis beaucoup chez moi mais c’est pour le travail. Je pensais m’installer auprès de ma fiancée aussi vite que possible.

Je me racle la gorge comme si cela allait m’aider à trouver le bon moment pour aborder le sujet. Je ne suis d’ailleurs pas vraiment certain que ce soit le meilleur moment, mais tant pis, je me lance.

— Sam, je suis où moi dans tes projets ?

Elle cesse de marcher et se tourne vers moi. Elle ouvre la bouche puis la referme. Elle se remet en route en silence. Je n’aime pas vraiment ce silence. Alors je reprends :

— Je sais que je suis retourné à mon appartement mais ce n’est que pour le travail. Je pensais venir m’installer ici dès que les corrections sur la femme aux escarpins roses seraient terminées. Et pour être honnête, je ne me vois pas vraiment m’installer chez tes parents.

Elle ne répond toujours pas, elle se contente de boire de petites gorgées à son gobelet. L’angoisse me saisit, mais j’essaye de ne pas l’écouter parce qu’elle me murmure que ma fiancée pourrait peut-être avoir changé d’avis à propos du mariage.

— Sam, dis quelque chose. Si c’est trop tôt pour toi, dis-le simplement. Dis-moi ce que tu veux, comment tu imagines les choses entre nous ?

Elle boit une nouvelle gorgée et me tire par la main pour que nous traversions la route. Nous passons devant « Le Soulier doré » fermé pour la pause déjeuner et continuons à marcher.

— Je ne sais pas vraiment, avoue-t-elle soudainement. Tout est aller très vite ces dernières semaines et, entre le boulot et tout le reste, je n’ai pas vraiment eu le temps de réfléchir à tout cela. Mais bien évidemment que je veux que tu viennes vivre avec moi le plus vite possible.

Je soupire, un instant j’ai presque cru qu’elle allait rompre.

— Alors qu’est-ce qu’on fait ?

— Je ne sais pas. Mais tu as raison, on ne peut pas vivre ensemble chez mes parents, ce serait trop… bizarre.

J’acquiesce d’un mouvement de la tête.

— Et L’Auberge fleurie est très confortable, mais ça reste provisoire. On doit décider de ce que l’on va faire, j’insiste pour qu’elle y réfléchisse.

— Je sais. Tu as raison. J’ai tellement eu à faire avec la boutique. Et ce n’est pas fini.

Elle s’arrête et passe son bras autour de moi. Elle se lève sur la pointe des pieds et m’embrasse doucement.

— Je suis désolée. On va résoudre ce problème rapidement. C’est promis.

Je lui rends son baiser et plonge dans son beau regard bleu.

— Je t’aime Samantha.

— Je t’aime Jérémy.

Et nous reprenons notre promenade.

— Alors parle-moi un peu de la boutique. Les chiffres sont bons cette semaine ?

Je sais déjà ce qu’il en est puisque nous en parlons tous les jours, mais j’ai envie de changer de sujet. Je veux lui laisser un peu de temps pour assimiler notre discussion.

— Ça dépend des jours. Mais je n’arrête pas de me dire qu’il faudrait remettre la boutique au goût du jour, effectuer quelques travaux de décorations, ce genre de choses. Qu’est-ce que tu en penses ?

— C’est une super idée.

— Je pense aussi à faire de la publicité dans le journal local et pourquoi pas dans les journaux alentours. J’ai encore pleins d’idées, mais je manque de temps. Il faudrait que je puisse embaucher quelqu’un, mais je n’ai pas encore les moyens. C’est un cercle vicieux, parce que si j’avais plus de temps, je pourrais faire ce qu’il faut pour attirer plus de clients et faire entrer plus d’argent.

Je bois quelques gorgées de café au caramel, toujours aussi délicieux, et je la serre un peu plus contre moi.

— Une fois que je vivrais ici, je pourrais te filer un coup de main ! Tu n’auras même pas besoin de me payer. Bien sûr, il faudrait que je conserve du temps pour écrire, mais je pourrais te libérer quelques heures par-ci par-là.

Elle m’offre un sourire éblouissant et je sais une fois de plus que j’ai fais le bon choix en demandant sa main.

— Ce serait vraiment très gentil de ta part.

Nous continuons à marcher tranquillement.

En nous éloignant de la boutique, nous arrivons dans un petit quartier résidentiel charmant. Je regarde les maisons alentours tout en m’imaginant vivre dans ce genre d’endroit avec ma femme et nos futurs enfants. C’est un cadre idyllique.

— Oh ! Regarde !

La voix de ma chère et tendre fiancée me tire de ma rêverie. Sur notre droite, une charmante petite maison aux volets peints en rose est à vendre. Sur le portail, une pancarte « À VENDRE » attire aussitôt ma fiancée. Est-ce la pancarte ou la couleur des volets, je l’ignore en fait ?

Nous nous approchons et aussitôt quelque chose se passe. Sam se tourne vers moi et nous savons elle comme moi.

Sans un mot, je sors mon téléphone portable et appelle l’agence immobilière. La maison est toujours en vente, même si le prix est un peu au-dessus de la maison des Dulot. Je programme une visite et Samantha se jette à mon cou.

— Oh ! Jérémy, c’est celle-là ! J’en suis sûre, c’est notre maison !

Je souris en entendant ces mots. C’est la première fois qu’elle parle de « notre » maison.

Difficile de le nier, elle semble faite pour nous. Je crois que notre couple et inexplicablement lié à la couleur rose.

Seulement il demeure un problème. Elle n’a pas eu son crédit.

Je me tourne vers ma fiancée, sérieux.

— Sam, comment vas-tu l’acheter alors que tu n’as pas eu ton crédit ? Tu vas contacter une autre banque ?

Elle regarde la maison en silence un instant.

— Si ta proposition tient toujours, je souhaite qu’on l’achète ensemble. Tu as raison, ce sera notre maison, nous allons nous marier, ce ne serait pas juste que j’achète une maison toute seule, même si je le pouvais. Je t’ai maintenu à l’écart de mes projets et je veux que cela change. Je veux passer le reste de ma vie avec toi.

J’ai du mal à en croire mes oreilles. Ce revirement de situation n’est-il pas un peu rapide ? Cela dit, toute notre histoire l’est, alors ça ne change pas beaucoup.

— Tu es sûre de toi ?

Elle hoche la tête avec vigueur.

— Certaine. Je t’aime plus que tout et cette maison…

Elle la regarde à nouveau et je vois ses yeux pétiller.

— C’est la nôtre, je le sais, je le sens ici, dit-elle en posant une main sur son ventre et une autre sur son cœur. J’en suis convaincue Jérémy, et si tu veux bien…

— Évidemment !

Je passe mes bras autour d’elle et la fait tournoyer.

— Je veux acheter cette maison avec toi, ma femme aux escarpins roses. Notre maison aux volets roses.

J’embrasse ma fiancée, heureux.

— Heureusement que je n’ai rien contre la couleur rose ! je m’exclame en souriant. »

Jérémy Bigot, votre humble serviteur.